OKéANOS

Episode 25

Adrian BETELA

OKéANOS

6. Manipulations.

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BANDE-SON

Il n’avait pas fallu plus d’une semaine pour que l’esprit vide et serein du Député Adrian BETELA fut de nouveau trouble et préoccupé. Sir Julian BLANDERDASH, son porte-parole de la Ligne Aticale, avait bien travaillé durant sa convalescence ; bientôt et partout dans le Monde, des volontaires, bouleversés par les catastrophes des côtes Ouest amérikkkaines, allaient émettre le désir de participer à la construction d’une terre nouvelle en hommage aux disparus. Cette impatience ne devrait pas retomber, mais rester frémissante ; jusqu’au jour du premier coup de pioche, la Ligne Aticale allait attiser les braises de l’Utopie collective.

C’était là l’œuvre de la Confrérie de TYKO, qui comptait treize membres en tout et pour tout. Ce jour-là, chacun des Frères avait quitté ses occupations qui industrielles, qui politiques, médiatiques, culturelles ou stratégiques, pour se rendre à GERMINSTON, Sud-Afrika, dans les locaux privés du Département Recherche et Développements de GII-FARBEN, fief de Frère Julian. L’ensemble du site industriel venait d’être réaménagé par Hyt KOULADYB - qui lui ignorait tout des agissements de la Confrérie de TYKO. L’architecte avait cédé au caprice de Sir Julian BLANDERDASH qui tenait absolument à diriger son usine pharmaceutique depuis un abri antiaérien à treize issues. Treize antichambres indépendantes ouvraient ainsi sur la salle du Grand Conseil, où la grande table ronde aux treize sièges en forme d’étoile auréolait l’aigle impérial de bronze pourfendeur de serpent, qui venait d’être amené d’OSTRIA en EUROPA. La sculpture arborant la Croix de TYKO avait présidé de par le Monde à plus de trois siècle de complots et devait ce jour assister à l’organisation et à la répartition de leurs usufruits. Tous les Frères seraient présents. Il n’existait qu’une assemblée comme celle-ci tous les quarts de siècle, et depuis sa création, la Confrérie n’en avait organisé que douze. L’heure était venue pour la treizième et dernière assemblée de la Confrérie de TYKO avant sa dissolution.

Dans le rituel d’entrée en Assemblée, chacune des treize antichambres était surveillée par une et une seule autre ; chacun des Frères devait en identifier un autre, et être identifié par un troisième, avant d’être autorisé à entrer, masqué. Le Député Adrian BETELA, lui, devait identifier leur hôte, Sir BLANDERDASH, ici Frère Julian. Mais qui était en train de le surveiller en ce moment même ? Frère Adrian savait que son « identificateur » avait été son avocat et parrain au sein de la Confrérie, Maître Johann PANIS, mais il savait aussi que PANIS était mort, englouti avec le yacht, et que sa succession devait faire l’objet d’une nouvelle intronisation. Alors qu’il enfilait son vieux masque de toile étouffant, celui de tous les Frères Adrian qui l’avaient précédé au sein de la Confrérie, il se demandait qui allait remplacer Frère Johann.

 

Si cela l’avait amusé vingt-cinq ans auparavant, lors de son intronisation au sein de la Confrérie par Frère Johann, l’interminable rituel d’ouverture aujourd’hui l’oppressait. BETELA savait qu’il devrait rendre des comptes, non pas pour ces dernières semaines, les plus palpitantes de sa vie, mais pour l’ensemble de sa carrière politique, sécrétée dans sa quasi totalité par les agissements de la société secrète. Il avait été l’instrument privilégié de la Confrérie de TYKO pour ce dernier quart de siècle. Plus que jamais il allait devoir affirmer loyauté et obéissance à TYKO, ce Sur-Être impalpable qu’Adrian avait toujours pris pour une métaphore idéologique. Quand la Confrérie lui assurait qu’il gouvernerait la demeure du Grand Maître, Adrian avait naturellement pensé qu’il serait le chef, l’incarnation du symbole TYKO. Or, si un autre être vivant que lui était pris pour Grand Maître, la fonction de gouverneur se résumerait à une régence, rôle aussi encourageant que celui de gérant de gargote. La loyauté de BETELA s’était dégradée en un grincement de dents.

Dans les faits tels qu’il les pressentait, il allait devoir montrer allégeance à ce qui était resté de Spot MANDLEBROT, et reconnaître pour Chef Unique une brute probablement irradiée, tétraplégique et comateuse… La bouffonnerie de la situation l’aurait amusé si une impression d’irréalité ne l’avait pas taraudé depuis la découverte de l’œuf de métal sur l’île. Si la conscience de MANDLEBROT avait survécu au cœur de cet incroyable séisme, célébré par tant de morts, quel monstre était-il devenu ? TYKO ?

Chantant une unique note monocorde, les Frères s’étaient rejoints chacun par une entrée différente. Toutes les portes avaient cliqueté ensemble. Sous son masque, BETELA n’avait d’yeux que pour l’issue correspondant au disparu Frère Johann. Etrangement synchrone avec celles du reste du groupe, la double porte électronique et blindée s’était ouverte sur une gigantesque bulle de verre maternée par un caisson de survie, ensemble impressionnant de mécaniques de soutien médical, dont, de façon troublante, les différents bips et témoins sonores sonnaient à l’unisson du chant d’ouverture.

BLANDERDASH, sous le masque d’ibis de Frère Julian, pressa un bouton situé sur son pupitre, et la bulle de verre se cala devant le siège attribué à Frère Johann. Voilà quel monstre est devenu MANDLEBROT, songea BETELA. En suspension dans un liquide vital et gélatineux, bleu sombre, on devinait vaguement la présence d’un corps humain sous les amas de prothèses métalliques de maintien et de contrôle. Comment considérer ça ? En être humain ou en machine ? Quelle conscience reste-t-il à MANDLEBROT ?

BETELA savait que cette question serait inévitablement soulevée. Il y aurait certainement une dernière intronisation, avec toute la cérémonie que cela supposait. Le chant touchant à sa fin, Frère Fox, qui présidait cette dernière assemblée, leva les mains et demanda l’attention de la Confrérie. Frère Fox était parfait dans ce rôle de dernier Président d’Assemblée ; il alliait éloquence et autorité. BETELA ne savait pas qui il était en réalité, ni qui le connaissait réellement au sein de la Confrérie, mais le Député soupçonnait Frère Fox d’être un homme public important, patron d’un groupe de presse ou producteur dans l’ordivisuel. La voix du Frère tonna, enthousiaste, accentuée par un phrasé emprunté d’Afrikaner :

« Frères ! Nous sommes heureux, Frères, d’ouvrir cette treizième et ultime assemblée de la Confrérie de TYKO. Gloire à ce Bonheur d’achever notre tache !

- Gloire à ce Bonheur d’achever notre tache ! répétèrent ensemble les Frères. Assourdi par sa propre voix, BETELA ne put entendre si la mécanique qui maintenait MANDLEBROT en vie avait elle aussi repris ce chœur de gloire.

- Oui, Frères. Nous avons atteint l’Oméga de la Confrérie de TYKO. L’heure est venu pour Lui de s’éveiller et régner parmi nous. Mais avant d’entreprendre le bilan de nos préparatifs, j’aimerais soulever la question de notre dissolution, qui, comme vous ne l’ignorez pas, est nécessaire. Nous voici, Frères, au moment du « Bonfire », du grand bûcher purificateur qui nous verra renaître plus forts encore par le corps et la volonté de TYKO. HEIL TYKO !

- HEIL TYKO ! HEIL TYKO ! HEIL TYKO ! »

 

Cette fois, BETELA était certain d’avoir entendu l’instrumentalité de la bulle de verre non pas répéter, mais émettre un petit gloussement électronique. Adrian ignora toutefois ce qu’en perçurent les autres, aux émotions cachées derrière leurs masques respectifs.

Frère FOX leva à nouveau les mains. Les saluts s’estompèrent.

« Nul ne l’ignore ici, notre rôle est accompli. Nous avons œuvré durant ces trois siècles à réveiller notre Grand Maître TYKO, Génie inspirateur de notre Confrérie, muse de la loi et de l’ordre qui dormait et rêvait en nous inspirant. C’est au gré de Ses inspirations que nous avons déployé son Génial Esprit. Preuve nous en est presque donnée par notre hôte Frère Julian, TYKO s’est incarné et va s’éveiller pour régner à nouveau sur l’Humanité.

Mais qu’en sera-t-il de nous, Frères ? C’est la question que je nous propose de méditer avant notre dissolution.

Nos agissements nous ont assuré richesse et pérennité. Nous pourrions tout à loisir continuer ainsi nos complots individuels et poursuivre un idéal inaccessible. Mais, et cela m’amusera toujours, n’avons nous pas laissé ces Mythes de Lendemains qui chantent à nos adversaires marxistes et nos ouailles vatikanes… (Rires)

Non, nous, chacun de nous, n’avons, individuellement, rien de meilleur à espérer que notre vie actuelle dans ce monde aux minutes déjà comptées. Et il n’est pas question, au moment de notre dissolution en tant que Confrérie, de renoncer à ce que tant d’années d’efforts nous ont permis d’accomplir. Notre Union reste Sacrée. Mais concrètement, nous ne souhaitons rien de plus que ce qui nous est déjà donné… En bref, ce monde est pour nous une espèce d’Utopie, nous pourrions tous affirmer la même chose. Nous y vivons dans le confort et l’aisance. Notre travail est adapté à nos capacités individuelles et nos vies sont pleines à éclater d’activités passionnantes et enrichissantes. Mais ce n’est là que l’aspect matériel de notre mission. Il est aussi un aspect spirituel que nous avons toujours résumé ainsi : l’Un, l’Unique, l’Unicité. L’idée de l’Unique modèle chacune de nos actions de la journée. Elle le devra toujours et encore après cette Assemblée… mais je me laisse emporter par l’enthousiasme. Je sais que, chacun à votre manière, vous chérissez cette idée au plus profond de votre cœur. C’est elle, cette idée supérieure à toutes les autres, qui rend notre vie particulièrement digne d’être vécue et fait que, pour des gens comme nous, l’idée même de trahison est littéralement impensable. Gardons toujours cela à l’esprit : la déloyauté n’est qu’une forme d’ignorance… 

- Mais Frère FOX, déclara en adversaire toujours complice, Frère Stanis au masque de chacal, qu’en est-il de notre déloyauté à la Commission du Monde Libre ?

- Frère STANIS a raison. Ce n’est pas par ignorance de la politique de la C.M.L que nous agissons à sa déstabilisation… approuva Frère Julian, en bon orateur préparant sa manœuvre. Frère Fox repris la parole, paternel.

-    Mes Frères. Ce que dit Frère Stanis est juste, nous n’obéissons pas à la politique du Monde Libre. Mais nous savons que notre contribution y est grande. Nous n’aurions pu mieux faire qu’eux après la crise du BENAKISHMOUR sans l’inspiration de notre Grand Maître. Ce n’est pas par ignorance que nous revendiquons l’indépendance de pensée. Car que vaut-il mieux ? être né stupide dans une société intelligente, ou intelligent dans une société insensée ? Partout règnent le désordre et la corruption. Trop d’intérêts, trop de privilèges n’ayant plus droit de cité, paralysent nos avancées. Voilà pourquoi le choix du Grand Maître s’est porté sur l’érection d’une terre nouvelle, vierge de toute idéologie, de toute culture, de tout droit de sol. Je vous le dit en réalité, voici le berceau de notre renaissance. Notre Confrérie est morte, Heil TYKO !

-    Heil TYKO ! Heil TYKO ! Heil TYKO ! »

Adrian BETELA suait à grosses gouttes sous son masque de Loup. Le Frère Adrian originel devait avoir un visage minuscule. Si l’ensemble du masque était en extérieur imposant et massif, surtout pour la mâchoire, l’intérieur était plein de bosses qui à la longue meurtrissaient toujours l’arête du nez du Député. Le porter deux fois en vingt-cinq ans aurait été supportable, et Adrian aurait pu sacrifier plus que son amour-propre à la cause. Mais cette mascarade se reproduisait à chaque réunion secrète entre Frères, qu’ils soient au complet ou non. Comment vont tes petits complots ? s’était moqué Jahéva à Tahiti, en lui massant le nez, en présence de BLANDERDASH, alors que les deux Frères venaient l’heure précédente de mettre au point le déroulement de l’opération Fondation. Maître PANIS avait gloussé. A bien y réfléchir, BETELA ignorait vraiment quels détails de ses agissements connaissait sa femme…

« Organisation est un mot tellement affreux ! poursuivait Frère Fox. Mais j’imagine qu’il est adéquat. Quel est le but de toute organisation ? Croître. Et perpétuer son existence. Nous désirons croître autant que nous le pouvons, exister aussi longtemps que nous le pourrons. Et, encore que ce ne soit pas à moi de le dire, je crois que nous pouvons être fiers de toutes nos réalisations à cet égard. Mais ce n’est pas le moment de nous endormir sur nos lauriers ! »

Les regards des Frères convergèrent ensemble vers BETELA, puis vers Frère Julian, qui lui même porta fièrement les yeux sur la bulle de verre où le présumé TYKO reposait encore. Frère Fox désigna BLANDERDASH et lui laissa la parole.

« Frères, c’est avec une grande fierté que je vous confirme ce que vous savez tous déjà : l’opération FONDATION est une totale réussite, et cela grâce en soit rendue à Frère Johann qui a parfaitement su interpréter les différentes visions que notre Grand Maître lui accorda. Nous reviendrons sur la question de la disparition de Frère Johann et celle de sa Succession ensuite. J’aimerais pour le moment faire état de nos atouts. »

 

BETELA suait une lymphe froide et rance. Il pressentait un véritable inquisitoire à venir, et savait que la vérité ne tarderait pas à éclater : il avait abandonné Frère Johann en pleine tempête. S’il parvenait à cacher les faits précis, il espérait bien s’en tirer. Mais l’invariable transe de clôture d’Assemblée les mettrait tous à l’unisson avec l’esprit de TYKO. Tous ? Le Député jura intérieurement, en colère après sa propre position. Car Adrian BETELA, lui, n’avait jamais connu la transe. Il avait feint de la connaître, mais s’en espérait incapable. Lors de son intronisation, un quart de siècle auparavant, il avait été amusé de les voir tous se tordre et gémir à l’unisson comme les nonnes hystériques de Loudun. Et durant ces vingt-cinq ans où la Confrérie de TYKO aida à parfaire sa carrière, BETELA considéra les Frères comme des illuminés à son service, et non véritablement comme ses frères à lui. Mais aujourd’hui, les illuminés avait l’avantage de l’usurier réclamant ses échéances. La transe finale allait sans doute leur dévoiler certaines vérités et, dans ces conditions, elle glaçait le Député d’effroi ; la motivation secrète qui l’habitait, sa soif de puissance et sa peur de perdre son libre arbitre, perceraient leurs consciences comme une trace de sang rémanente sur le parquet d’une demeure hantée. Il se pourrait alors fort bien que BETELA perdit son rôle de Gouverneur. Et comme il en savait trop…

Frère Julian poursuivait l’exposé de leurs avancées.

« Nous avons pu constater que l’île a émergé au point prédit par Frère Johann. L’appareillage que ses visions m’ont permis de mettre au point a parfaitement fonctionné. Sa part expérimentale a rempli ses fonctions, et nous pourrons dire dès demain que l’agro-aquaculture sera ce monopole inaliénable dont nous pouvions avoir besoin. La bactérie découverte sur le cratère lunaire de TYKO nous a servi d’enzyme radiophage ; j’ai déjà annoncé la bonne nouvelle à Frère Adrian qui n’aura pas à craindre de développement cancéreux pour sa longue exposition à la zone irradiée. Mes Frères, en vérité je vous le dit, définitivement, cette algue mutante générée par nos soins sera l’incontournable levier qui fera basculer ce Monde. Nous serons le bras armé de Notre Grand Maître incarné que j’ai le Grand privilège de vous annoncer. Mes Frères, voici TYKO notre Frère à tous. Frère Johann lui a légué sa juste place, et je me porte garant de son identité. »

Bras levés ! HEIL TYKO ! HEIL TYKO ! HEIL TYKO !

Adrian désira cette transe. La ferveur des Frères qu’il accompagnait était déjà grisante en soi ; mais sa propre culpabilité lui interdisait de la ressentir. Seule la peur, l’effroyable peur, le poussait à saluer ce monstre qui faisait l’unanimité de ses semblables. Frère Adrian sentait approcher son tour de parole et son ventre se crispait d’angoisses. Frère Fox leva à nouveau les bras et invita Frère Adrian à faire son debriefing.

Cachant sa terreur croissante sous son masque de loup, Adrian inspira et prit la décision d’aller au devant de ses responsabilités.

« Frères, mon bonheur et mon enthousiasme sont ternis ce soir par la perte d’un être cher, notre Frère Johann qui fut aussi mon parrain parmi vous. Mais notre cercle demeure être au complet, et ainsi semble-t-il en être de la volonté de l’Unique. J’en reviendrai ici à la question qu’a soulevé Frère Fox en ouverture d’Assemblée, celle de notre dissolution. La notion que je développerai ici est celle du Sacrifice. « Sacrifice est Bon » nous dicte TYKO. Sacrifice fut fait : Spot MANDLEBROT n’était pas encore la coupe qu’il est devenu aujourd’hui, mais s’était déjà sacrifié à la Cause du Monde Libre. Puis, en reniant ses engagements, a sacrifié son devenir glorieux pour une autre Gloire, moins assurée et plus individuelle. Mais Sacrifice est bon, et son adversaire Mass CANIBAEL fut sacrifié à son tour, les deux combattants exécutant sans le savoir le rituel de Danse de mort des deux titans archaïques ; Frère Johann sut reconnaître là les signes inspirateurs primordiaux. Notre travail fut principalement de pousser l’Elu - désigné par les faits objectifs - dans son propre Bonfire, de son propre gré, avec la Fondation pour motivation essentielle. Nous reproduisions ainsi les conditions symboliques optimales à la réussite de l’entreprise, telles que transmises dans le Cthaat Aquadingen. Le projet dans sa partie technique fut entièrement conduit par l’excellence du travail de Frère Julian. Et Sacrifice fut fait de l’Elu.

C’est dans la disparition de Frère Johann que résidait ma réserve, sur laquelle j’ai médité depuis les événements. Je suis à présent convaincu que Sacrifice dut aussi être fait d’un de nous, Frères. TYKO ne perd-il pas sa tête avant de renaître invincible ? La Joie d’assister à la reconnaissance de Notre Grand Maître, tandis que tant de nos Frères ont œuvré sans jamais voir ce jour, renforce notre conviction en cette nécessité du Sacrifice pour l’Unique. Je suppose ainsi que notre dissolution doit passer par notre propre Sacrifice. Pour le Sacre de TYKO. HEIL TYKO ! HEIL TYKO ! HEIL TYKO ! »

 

Les réponds furent brefs ; Frère Werner demanda la parole. Adrian sentit une montée d’adrénaline lui chauffer les sangs. Rares étaient ceux qui poussaient Frère Werner à se prononcer lors d’une Assemblée. Mais celui-ci avait parrainé lui-même Frère Johann, et très certainement, la disparition de son propre poulain ne pouvait pas le laisser indifférent. Frère Werner était le sinistre détenteur des archives de la Confrérie de TYKO, et l’on ignorait tout de son identité véritable, et qui devait l’identifier. Le mystère qui les entouraient tous semblait plus épais encore pour Frère Werner, et son masque de Ver Blanc hantait régulièrement les angoisses de bien des Frères. Il devait être maintenant très vieux, et certainement le doyen. Nul ne connaissait celui qui l’avait intronisé, et chaque hiver, l’on s’attendait à devoir élire un nouveau Frère Werner. Il aurait été pire mort que vivant, pensa fugitivement Adrian. Frère Fox donna très solennellement la parole au doyen.

 

« Frères, Confrères de TYKO, Lui dont la Gloire intacte aujourd’hui rayonne, nous devons prendre garde aux propos de Frère Adrian. Aucun de nous ne porte le masque de l’agneau. Nous avons tous nos crimes et nos trahisons sur la conscience. D’avantage s’il s’agit d’une trahison entre nous, Frères – mais y a-t-il d’autres traîtres que les siens ? Ce qu’espère cacher Frère Adrian, c’est la peur qu’il ressent aujourd’hui. Nous ressentons tous cette peur, Frères. Nous affrontons aujourd’hui la fin d’un Monde que nous aurions connu, calculé, programmé. Nous affrontons le Grand Inconnu, l’Histoire dont ne parlent plus les Livres Sacrés. Sacrifice est bon du Sacré, Frères. L’heure serait au procès, Frères, si Frère Adrian au masque de loup restait persuadé pouvoir nous duper en nous sacrifiant tous. Mais aujourd’hui, nous présidons enfin et pour l’Unique fois en présence du Grand Maître. Nous allons réunir nos Esprits pour réveiller TYKO, et faire de lui le seul juge de nos destinées. J’invite toutefois Frère Adrian à faire état de sa trahison envers Frère Johann et accepter la seule sentence du Grand Maître. Qu’il parle !»

 

Le masque de Loup d’Adrian était importable dans ces étouffantes conditions. Tremblant de tous les muscles de son visage et comme répondant à une inspiration soudaine, il fit ce que nul n’avait jamais accompli au cours de trois siècles d’Assemblée. Il plaça ses mains derrière la nuque, tira sur les cordons et défit son masque. Une stupeur glaciale figea l’assemblée, dans un silence troublé par le seul rythme de la bulle de verre.

« Voilà, répondit Frère Adrian, quel sacrifice je voulais annoncer. Vous êtes tous conscients que je n’y perds rien car, je le suppose, vous savez tous ici qui je suis en réalité, à savoir le Député européen Adrian BETELA, représentant de la Ligne Aticale fondée par nos soins et par la volonté de TYKO. Je nous invite, Frères, à faire ici le sacrifice de ces masques sacrés, et couronner faces nues notre Grand Maître, l’accueillir dans l’Ordre et la Vérité.

J’accepte toutefois le jugement de TYKO pour ce que j’ai commis ou non. Je vous dois donc la vérité sur la mort de Frère Johann. Il semble qu’il y ait eu une faille dans la synchronisation des événements. Lors de l’explosion de l’ogive nucléaire, nous aurions dû avoir éloigné notre yacht « La Croix de TYKO » de plusieurs centaines de miles encore. Je ne crois pas à une fausse manœuvre du regretté Capitaine LOBSTER. Ni à une imperfection dans la programmation du Bathyscaphe « Sole ». Je pense très sincèrement que, porté par l’enthousiasme, Frère Johann a lancé beaucoup trop tôt la mise à feu. La voie d’eau qui a fait sombrer notre yacht a gagné en premiers lieux la cale d’où Frère Johann contrôlait « Sole ». Nous ne pouvions le sauver sans mettre ma vie en péril… »

 

Adrian se sentait plus calme à présent. L’arête de son nez devait être rouge, mais il ne s’en souciait plus. C’étaient eux, les clowns. Tous étaient restés figés, à la fois outrés par le culot de Frère Adrian et dans le doute sur la conduite à suivre. Dans la frayeur de leur prisons mentales peuplées de crimes inavouables, chacun attendait la réaction de Frère Werner au masque de Ver Blanc. Il ne l’ôta pas.

« Votre Vie ! , répondit-il sourdement, d’une voix lente et pesante. En quoi votre vie était-elle plus précieuse que celle de frère Johann ?

-    Mes Frères ! fit vivement Adrian, exalté par l’affront, Que dois-je comprendre des accusations de Frère Werner ? Ne suis-je pas le chef désigné pour régner sur le Monde Nouveau ? Ne devais-je pas sortir impérativement vivant de cette épreuve et gouverner ce territoire ? Quel crédit apportons-nous à ce qu’annonce Frère Julian, comment pouvons nous être sûrs que cette… cette créature est bien l’incarnation de notre Grand Maître !

-    Cessez tout de suite, Frère Adrian ! Remettez votre masque et reprenez-vous ! Ce n’est pas la peur qui vous dévore, mais l’ambition ! Et c’est bien pour cela que vous aviez été intronisé, Frère Adrian, pour votre insatiable ambition. Sachez toutefois vous glorifier de ce destin qu’un pauvre mortel ne pourrait pas même espérer en rêve. Vous serez Gouverneur, soyez-en assuré, de cette île nouvelle. Mais si vous en obtenez la régence, seul le Grand Maître régnera. Ne réalisez-vous pas que cela dépasse l’Humanité ?»

 

BETELA était touché. Quelque chose le déroutait. Bien que Frère Adrian vint de tenir un discours parfaitement inbon, passible d’exécution pour haute trahison, Frère Werner l’exhortait au calme et à la retenue, et semblait englober les motivations les plus intimes du Député dans le projet de TYKO. C’est l’ignorance qui pousse à la déloyauté repensa Adrian. Peut-être mon esclandre aussi fait-elle partie du Grand Rituel que la Confrérie mène depuis trois Siècle.

« Je… sauver frère Johann était impossible de toute façon… Je me soumettrai au jugement de TYKO.»

 

Frère Adrian avait déjoué une trappe, il le savait, mais il jouait à présent à découvert. Si l’un ou plusieurs des Frères venait à trahir, le Député BETELA serait certainement le dindon de la farce. Mais une intime et toute nouvelle conviction l’assurait du bien-fondé de ce sacrifice, et qu’être démasqué devant le Grand Maître lui serait profitable. Il fixa Frère Werner qui n’avait rien à ajouter, et fit signe à Frère Julian qui devait encore conclure sur les extensions de l’opération Fondation.

« Puisque Frère Adrian en a terminé, voici ce qu’il importe d’obtenir à présent. L’infrastructure requise pour la construction d’une ville sur cette île pour l’instant désolée reviendrait à hypothéquer totalement les biens réels et prospectifs de la Ligne Aticale. Frère Fox nous l’assurait, il n’est pas question de semer à tous les vents l’héritage matériel de tant d’années de travail. FONDATION est le terme générique par lequel sont appelés les signes de l’incarnation de TYKO dans les ouvrages sacrés. Frère Johann a toujours compris que la Fondation DANSTLINGER n’était qu’une des parts dispersées de l’essence de notre Grand Maître cherchant son incarnation. Nous nous sommes donc assuré un contrôle sur la Fondation DANSTLINGER, surtout sur sa tête pensante : le régulateur de trafic néo-zélandais Hyt KOULADYB, qui vient d’œuvrer ici même… Vous pouvez le voir, ses conceptions architecturales sont en parfait accord avec les nôtres, bien qu’il n’ait aucune conscience de la part inspiratrice de TYKO dans son œuvre. L’homme est trop mégalomane, et c’est sur ce point que nous pouvons le piéger.

Pour résumer, il ne nous reste plus qu’à amener KOULADYB à œuvrer à la construction de notre cité, de son plein gré, avec ses propres sociétés et ses propres plans de financement. Frère Fox m’a assuré de la mise en place du levier KOULADYB…

-    C’est exact, Frère Julian. Le chantage est en place.

-    Alors je propose que nous passions à notre prochaine phase. Je crois à présent que tout est réglé pour l’intronisation de notre Frère à tous. Nul ne peut savoir encore quand il s’éveillera. Un bon nombre de lésions irréparables pour la médecine traditionnelle le plongent encore dans le coma. Mais il y a des traces d’activités mentales. Grâce à cet appareillage CBI dont GII-FARBEN a fait l’achat du droit d’exploitation, il nous est possible, entre autres applications, de décoder très fidèlement les ondes émises par un cerveau humain. L’opération est sans risque ni douleur, et plus éloquente qu’un archaïque électroencéphalogramme.

Frères, Je nous propose d’écouter les pensées de notre maître endormi durant la dernière transe de la Confrérie de TYKO, et nous assurer ainsi de son identification. »

 

Adrian écouta distraitement la répartition des taches à venir. Il savait déjà tout. Puis Frère Julian termina sur ces mots : Nous sommes prêts pour le Baptême. Cela avait sorti Frère Adrian de la douce torpeur trahie par son visage à découvert. Non pas à cause des mots, mais à cause de ce que fit Frère Julian ; portant les mains à la nuque, il ôta lui aussi son masque d’ibis. Ainsi que pour BETELA, tous devaient soupçonner qui était en réalité leur hôte.

« Comme le proposait Frère Adrian, je fais Sacrifice de ce masque que j’ai tant servi. Que notre œuvre s’accomplisse, HEIL TYKO !

- HEIL TYKO ! HEIL TYKO ! HEIL TYKO ! »

 

Seul Frère Stanis suivit les exemples de BETELA et BLANDERDASH et ôta son masque de chacal. BETELA le reconnut. C’était le Sénateur polandais Stanis LAZLEM, d’un parti politique ultra-libéral proche de la Ligne Aticale ; la cruauté de son regard n’en laissait pas douter sur ses réelles capacités au pouvoir. Les Frères enchaînèrent sur le chant de transe. Son unique note, un Ré très grave, faisait vibrer leurs cœurs à l’unisson, pendant que Frère Julian branchait adroitement un Interscan CBI sur le pupitre de la bulle de verre. Adrian restait stupéfait de la confiance aveugle des Frères en la technologie de BLANDERDASH. Rien ne garantissait qu’il ne s’agissait pas d’une mascarade. Seule la transe les aiderait à trancher, et Adrian doutait pouvoir la sentir. N’était-il pas plutôt condamné à un doute perpétuel ? Etait-ce pour cela qu’il avait été choisi ?

Les échos furent ténus au début. Les bips restaient trop forts et couvraient ce qui avait été perceptible une fraction de seconde. BLANDERDASH jouait d’une molette pour régler la mise au point du décodage. Quelques parasites stridents rompirent la monochordie des Frères, puis une voix se fit entendre, informatée, impersonnelle, mais déjà éloquente et intelligible :

« …branchez donc le vocodeur dérivé au micro et répondez à MANDLEBROT : Vingt minutes et 12 secondes, Bravo, c’était bref, j’ai à peine souffert. Nous commencerons par le soulagement de la souffrance. Nous savons combien la souffrance est liée à l'esprit. Tu t’accroches, tu implores, tu t’imposes - et tu vis dans un enfer créé par toi. Tu te détaches et tu vis en paix. Je vous montre la douleur, et je vous montre aussi la fin de la douleur. »

 

Le chant des Frères s’était interrompu dès les premiers mots intelligibles. Ils étaient stupéfaits, et ce que le vocodeur faisait entendre était plus que de simples mots. La pensée qui les dirigeait semblait presque consciente de ce qui l’entourait. Frère Julian était le plus abasourdi de tous.

 

« Oui, je reconnais Sir BLANDERDASH qui a rendu visite aux BETELAS juste avant notre départ. BLANDERDASH a fini sa tache. C’est un homme d'une cinquantaine d'années, qui s'est évertué à maintenir mon attention sur la partie technique de l'opération. Plonger sous la surface de l’océan … entrer dans un univers sonore… sons d’êtres organiques, signaux sempiternels sur l’échelle harmonique de leur environnement, du couinement le plus bref et le plus aigu au grognement le plus profond. Dans l’immense élément aucune oreille ne peut couvrir l’éventail de fréquences ainsi créé. Mais BLANDERDASH a bien transmis son appel aux volontés les plus constructives pour faire de cette île aride un havre de félicité et de progrès, bloqués qu'ils sont tous sous des tonnes de décombres. Près de la surface de l’océan, des sons plus légers et nombreux d’organismes semblablement multiples et minuscules. Plus bas, là où évoluent les gros poissons, une rumeur, plus profonde, prédomine. Encore plus bas, toujours plus profond. Comme la lumière baisse, comme la pression augmente du côté des vallées et des collines qui occupent le fond de l’océan ; les sons se font plus rares et prennent une nuance lugubre en harmonie avec le milieu… »

 

Des sons figurant ceux que décrivait la voix vinrent s’intercaler avec elle. Il semblait que quelque chose brouillait l’ensemble. Il y eut de la friture. Puis la voix, à nouveau, nettement plus claire.

 

« …aidez-moi ! aide-moi aigle-moteur ! Spot MANDLEBROT aimait à penser qu’il deviendrait le Champion véritable d'une cause humanitaire, il aimerait beaucoup vous voir durant votre séjour à HOUBLON  ; ainsi que ce bon secteur du Pacifique Sud, ainsi que dans les collections privées regorgeant de pièces rares vendues aux particuliers, ainsi que des halètement de chiens … »

 

 

Il était clair qu’Il souffrait. Mais dans la lutte acharnée entre MANDLEBROT l’ancien et son devenir TYKO, la logorhée s’accéléra et devînt comme les chuintements du puits d’où émerge les plus profondes vérités pythonisses. Les Frères commencèrent à se convulser. La transe était commencée. Pour ne rien oublier des éléments de la litanie du Grand Maître, les Frères répétèrent ensemble chacun des mots prononcés.

« … ainsi que l’emplacement du bureau des dérogations exceptionnelles, ainsi que la colline naine du recyclage des déchets industriels, ainsi que la dame nous l'a enseigné, ainsi que les codes tactiles des pieds et des mains, ainsi que le Professeur MOREAU, ainsi que ses fonctions précises dans le programme ONIROSCOPE, ainsi qu'il appelait son appareil ou son projet, ainsi que ma présence dans la Cité des Anges, ainsi que tous ceux ayant été frappés sur les côtes du Pacifique Est, ainsi qu'une notice biographique, ainsi qu'une rangée de sièges conformtables. »

 

Soutenue par la litanie des Frères, la voix de TYKO s’était stabilisée. Mais cela n’avait plus rien d’humain ni de mécanique. C’était la voix d’un chef, d’un guide, d’un plus qu’humain. Les Frères étaient à présent presque tous tétanisés. Ils écoutaient avidement les divagations déjà grandement ordonnées de leur Génie inspirateur. Seul Adrian BETELA ne parvenait pas à croire en la réalité de la situation. Il ne ressentait que peur et dégoût, surtout au spectacle des visages convulsés de BLANDERDASH et de LAZLEM, et il restait pétrifié par l’horreur nouvelle d’être comme plongé dans le récit de ce qui ne pouvait pas exister. Et à chaque étape de cette incroyable histoire, TYKO se révélait toujours plus incarné que le Député ne l’escomptait, par jalousie ou par peur.

 

« Me voici, TYKO, avec un genre particulier de détachement mental, qui mettra un terme au moins à une espèce de souffrance, la souffrance physique. Avec comme interprètes Adrian BETELA en personne et sa superbe femme Jahéva. Sir BLANDERDASH donnera des leçons de son tout nouvel art à des groupes de sages-femmes et de médecins, de professeurs, de mères de familles, d'invalides. Accouchement sans douleur - et immédiatement toutes les femmes s'enthousiasmeront aux côtés des innovateurs. Opérations sans douleur de calculs, de la cataracte et des hémorroïdes - et nous emporterons l'approbation de tous les vieillards et de tous les malades. Et bientôt, très bientôt, guérison garantie des cancers… D'un seul coup, plus de la moitié de la population adulte sera devenue notre alliée, prévenue en notre faveur, bienveillante par avance, ou du moins l'esprit ouvert vers la réforme prochaine. Mais Je présage le brevet, déposé par nos techniciens sur toute application de culture des algues en milieu sous-marin, brisé contre le sol, le sceau rompu… Bruits… »

Il y eut ensuite une sorte de sifflement suivi des mots :

 « Une autre échelle de sons persiste. Des sons d’un ordre d’existence complètement différent : de l’inorganique, du manteau liquide s’agitant continuellement sur les paysages noyés de son domaine. Ces cadences privées de gosiers ont été audibles depuis le commencement des temps, bien avant les premiers soubresauts de la vie. Courants, vagues, marées, fleuves engloutis, lacs et mers engloutis, atmosphère en perpétuel mouvement d’un monde bien éloigné des créatures sensibles à l’existence confinée aux territoires exposés au dessus des îlots planétaires. Tout a brusquement brûlé, c’était brumeux et humide. Buvez m’a-t-on dit… Ç’aurait pu être un passe-temps amusant, ç’aurait pu être une belle histoire. C’est aberrant et aussi mal payé qu'avant. C’est difficile à croire. Cet océan est d’une profondeur considérable. Il s’étend sur des milliers de milles dans toutes les directions. Il occupe le tiers de la planète, couvrant une surface plus grande que l’ensemble de la terre ferme. Le subconscient du monde, et l’étendue de terre apparente siège d’un conscient instable. A quoi nous attaquerons-nous après la souffrance ? A l'agro-aquaculture et au langage. TYKO ainsi s'est éveillé. Nous nous mettrons au travail pour donner à notre cité une nouvelle langue. Ainsi suis-je éveillé. Ce sera le point de départ d'un long travail d'éducation… Et l’agro-aquaculture sera notre monopole. Ainsi soit-il. »

 

Les Frères se relevèrent tous ensemble et firent le signe de la croix de TYKO, la croix dans le cercle. C’en fut ainsi pour eux. Mais alors que Frère Adrian reproduisait ce geste, elle se jeta sauvagement sur lui. La transe. Tant attendue et désirée, elle venait à lui et le mettait à l’unisson des pensées de son seul maître, qui allait le nourrir des visions de l’avenir glorieux qui était sien désormais, dans l’amour pour TYKO…

Adrian admire beaucoup les dons de Jahéva. Mais Adrian BETELA a l'impression de vivre la terrible expérience de MANDLEBROT, celle d’être dupé. Adrian BETELA a trouvé subtil le stratagème de Jahéva et du petit matelot. Adrian BETELA descend dans la salle de contrôle radio qui les relie au bathyscaphe. Adrian BETELA entend distinctement des voix ; Adrian voit sa femme Jahéva dans les bras de MANDLEBROT. Adrian BETELA est trop abasourdi pour réaliser pleinement ce qu'il fait par la suite. Adrian BETELA est tiré par Fix le matelot à l'intérieur. Adrian BETELA ouvre les yeux. Adrian et Fix voient une silhouette lancer ses invocations face à l'Océan. Adrian l'interrompt. Adrian BETELA trouve l'avocat de plus en plus fuyant. Adrian blêmit. Adrian croit que l'avocat est réveillé, et que les flots devenus verticaux vont l'engloutir à son tour. Adrian détourne les yeux, et ne compte plus que ses pas ; il pose sa main droite sur le bras de sa femme dans la crique où s'est arrêté le canot à moteur. Adrian risque un nouveau coup d’œil sur l'Océan. Adrian se décide à descendre précautionneusement. Adrian sent un violent vertige lui couper les jambes. Adrian se ressaisit soudainement, et se projette sur le côté. Adrian tente de se rattraper aux bords de la radio. Adrian ! Adrian…

Ce qui laissait en s’effaçant l’impression de mots était un ensemble de souvenirs combinés à des images oniriques. BETELA savait que son corps réagissait aux stimuli psychédéliques de la transe. Mais plus rien d’autre qu’une avidité envers les signes du Grand Maître n’avait d’importance.

Adroitement, aérien et ancré dans la terre, aéroports célestes, il affirmait que le site propice à la Fondation se verrait de loin grâce à un ensemble de signes impressionnants, bestiaux, affables même. BETELA croit toujours dur comme fer pouvoir bâtir un nouveau mode de civilisation vraiment novateur. BETELA grimpe sur sa montagne avec le calme et le flegme de la dernière extrémité. Puis BETELA hurle. BETELA l'avait envoyé, BETELA lui fait comprendre qu'il ne pourrait rien y faire. BETELA ne doute plus du premier degré des prophéties de l'avocat. BETELA ne sait toujours pas à quoi s'attendre. BETELA ne sera que son instrument ; BETELA pensait qu'il devait s'agir d'un résidu du Déluge hantant les eaux du Pacifique. BETELA regarde à nouveau derrière lui. BETELA sent tout son esprit en alerte. BETELA remarque le plancher, et tente de ne pas le quitter des yeux en descendant vers la plage…

Puis ce fut tout. La transe cessa aussi sauvagement. Chacun des Frères semblaient sortir avec exaltation d’un sommeil millénaire. La voix codée de TYKO ralentissait ostensiblement…

« Dans le subconscient aqueux de la planète, tout est comme à l’ordinaire, comme toujours depuis des millions d’années. Sur terre, dans un tout autre élément, la masse grouillante des consciences individuelles de l’espèce dominante connaîtra une exceptionnelle effervescence. Leurs actions seront pleines de bruits et de fureur. Alors elles se lanceront dans une guerre générale qui menacera de faire un désert de la majeure partie des terres, avant de les mener à leur propre destruction. Ainsi soit-il. Ainsi. Et ces clameurs militaires ne pénétreront qu’à peine la surface du grand océan. Même là pourtant… même là… on pourrait,… en cherchant bien, trouver des inconséquences,… des signes de souffrance… Ainsi,… ainsi…, un air bleu… »

 

TYKO avait plongé à nouveau dans un sommeil dont il ne s’éveillerait plus que définitivement. Le silence se fit. Après la transe, nul Frère ne parlait jamais. Ils avaient eu confirmation de l’imminence de Son réveil. Tous savaient ce qu’ils avaient à faire : réunir les parts dispersées de l’essence de leur Grand Maître. Restaurer l’intégrité physique de MANDLEBROT, fonder cette cité nouvelle pour y régner. Frère Werner et quelques autres avaient eu la vision énigmatique d’un tableau représentant TYKO triomphant. BETELA n’avait plus qu’à attendre que tout veuille bien se mettre en place devant lui.

C’est dans le silence et l’ordre que fut achevée l’assemblée et dissoute la Confrérie de TYKO. Dans les jours qui suivirent, seuls quelques faits divers sans lien apparent tracèrent les scories de leurs derniers complots. Un chirurgien sud-afrikain fut renversé et tué par une voiture. Un sismologue chilien s’électrocuta mortellement avec un orditel défaillant. L’événement le plus marquant fut sans doute l’attentat à la voiture piégée dont fut victime le sénateur Stanis LAZLEM, revendiqué par une mystérieuse « Cause Révolutionnariste ». Et durant les nombreuses semaines qui suivirent, le sommeil d’Adrian BETELA, en quête d’autre signes du Grand Maître, fut troublé par la présence récurrente du masque du Ver Blanc.

Son EPISODIE

Deuxième partie : Le Volcan dans l'Océan

4. Fondations

Episode 12

Episode 15

6. Manipulations

Episode 25

Prochain épisode :

Episode 26 : 6.Manipulations / Paco - Iris

 

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