OKéANOS

FLA$H 01

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2.    Visitations.

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BANDE-SON

NOS POINTS DE DEPART

Première partie : Racines au pouvoir

1. L’Abomination

Pierre PAIEN

2. Visitations

Reinhardt GESCHENKE

Jaroslav GROMOVSKY

Hyt KOULADYB

PACO

3. Invocations

ROWAINRRR
Spot MANDLEBROT

 

Journal personnel de Paul TRITTI.
 

Dossier Hyt KOULADYB, en mission de restructuration de ses entreprises CBI-Computers Ordomatics. Mouvements de grève chez mineurs. KOULADYB ultime médiateur ?
Envoyé à GERMINSTON - Sud Afrika - parvenu à établir contact avec mineur en grève nommé Walter Francis DUTTON
Témoignage DUTTON : CBI restructure chaîne de production dans le but d’un meilleur rendement dans recherche des intelligences artificielles. On demande aux mineurs d’augmenter leur rendement de métaux piezzo-conducteurs, sans se soucier des véritables ressources des mines. Aberrant et aussi mal payé qu’avant.
Très mal perçu qu’on voit DUTTON se confier à moi. Durant manifestation qualifiée «d’émeutes» par police et presse locale, nombreuses arrestations, dont DUTTON très violemment molesté.
Visite DUTTON à l’hôpital, où il se remet des coups subis lors de la répression des autorités sud-afrikaines. Je lui apprends finalement son licenciement, déclaré après son arrestation comme pour tous les autres «émeutiers». Désespoir DUTTON, ai pris superbe photo. Vais en faire histoire à sensation de mon dossier KOULADYB. Mais n’ai plus d’informateur chez CBI.
Découvert par collègue au bar que CBI travaillait sur un très gros contrat en partenariat avec les industries pharmaceutiques GII-FARBEN, dirigées par Sir BLANDERDASH, membre actif de la Ligne Aticale d’Adrian BETELA.
Pas d’intérêt à étendre organigramme des collaborations de KOULADYB à toutes les entreprises travaillant de concert. Tout le monde travaille déjà avec tout le monde. Mais éventuels liens politiques entre KOULADYB et la Ligne Aticale, dont BLANDERDASH est membre actif.
Problématique possible de politisation des travaux de KOULADYB ? Grève réprimée des mineurs de GERMINSTON devient acte de répression parfaitement idéologique.
Retour en Europe. Proposition du dossier à rédaction. Sur témoignage DUTTON et liens KOULADYB - BETELA, rédac’chef SEMPRIAQ juge bon de couper ce passage. N’ai rien dit ; SEMPRIAQ m’a très bien payé. S’il est Bétéliste, a droit défendre ses opinions.
Excellent tuyau ? Visite KOULADYB prévue à Université Clinique de Houblon. Reste à vérifier, mais terriblement excitant.

 

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EPISODE 04

HYT KOULADYB

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2.    Visitations.

Il semblait que la belle jeune fille descendue à TANGER avait oublié la brochure qu’elle parcourait assise à côté de Monsieur Hyt KOULADYB , et qu’il allait pouvoir en hériter durant le reste du vol.

Il aurait pu voyager de façon plus rapide et confortable, empruntant son privajet en compagnie de son staff de Betty’s et de Gary’s, secrétaires et gardes du corps. Mais il avait désiré être totalement seul à savoir où il se rendait, et par quel itinéraire. Afin d’éviter tout risque de fuite, il lui avait ainsi fallu prendre un chemin totalement fantasque pour regagner l’Europe et HOUBLON . Il espérait que ce serait suffisant pour semer la horde de reporters internationaux qui attendaient ses déclarations sur la restructuration des usines sud-afrikaines CBI . A l’endroit qu’il venait de quitter, GERMINSTON - Sud Afrika, il était le célèbre architecte et régulateur de trafic industriel KOULADYB, l’émissaire toujours providentiel des causes urbaines perdues, mondialement réputé et aux déclarations toujours attendues par l’ensemble des médias. Arrivé à HOUBLON, il n’aurait rien à déclarer sur la grève brisée des dragueurs des mines de silico-carbofluonates de GERMINSTON, ni sur l’intervention de l’armée républicaine précédant sa visite, ni sur ses plans conçus pour transformer ses usines CBI d’assemblage de matériaux en monuments à la gloire d’un rendement intelligent et efficace, ni sur sa nouvelle nationalité sud-afrikaine offerte en gage de services rendus à l’humanité, aux industries CBI-Computers Ordomatics , à la république nouvelle et aux systèmes de surveillance du Monde Libre. Il serait un anonyme se rendant en consultation.

Il supportait mieux ses migraines à présent qu’il savait cette consultation proche. A 70 ans, cet anonymat forcé lui laissait le sentiment d’être un jeune pécheur allant à confesse. A HOUBLON , là où il se rendait à bord de ce Transnational Airways, on ne lui demanderait pas d’user encore de son intelligence active ; il y avait déjà œuvré en qualité d’architecte de la ville presque entière, et de l’Université Clinique en particulier, et l’ensemble avait toujours fonctionné au-delà de ses espérances. Hyt KOULADYB  n’était plus qu’un patient souffrant d’épouvantables migraines, et il souhaitait que cette brochure oubliée sur le siège voisin allait le détendre et le distraire.

 

Curieusement, il s’agissait d’une brochure quasi artisanale. Pas de maison d’édition, pas de codbar, pas de dépôt d’impression. Seul, sur la couverture blanche, un titre:

 

« OCéAN »

 

sans auteur. On survolait justement l’océan, et Hyt se plut à penser que c’était une coïncidence parfaite, une synchronicité. Placé comme il était, près du hublot, il pouvait voir la masse d’eau refléter l’air perturbé et saisi des formes grotesques des nuages où devait s’épancher l’imagination des marins. Au loin, comme une tache d’huile sur ces nappes mouvantes, il voyait briller les reflets d’une plate-forme pétrolière et sourit à l’évocation de l’océan où bientôt s’érigerait aussi des villes et des industries - il y travaillait personnellement. Mais sourdement, la migraine se relança derrière son œil droit, et KOULADYB redevint un homme qui souffre.

Il était intérieurement embarrassé de voir combien, sous les assauts de son mal, il pouvait être dépassé par ces sursauts d’une humeur écrasante. Lors de la réunion de la commission budgétaire CBI  par exemple, son ton avait été sec et cassant, coupant court à toute négociation de remplacement de matériaux rares et onéreux contre de plus flexibles et meilleur marché. Et l’on avait fini par accepter ses arguments. Sans doute n’aurait-il pas été si strict et rigoureux s’il n’avait pas été assailli par une violente migraine, et son projet de restructuration en aurait pâti. En vieillissant, ce handicap lui apportait ce genre de moindres compensations, profitant surtout à sa carrière et à son prestige. Mais sa santé l’inquiétait.

Désireux d’éloigner les hypocondries de son esprit fatigué, il commença à parcourir distraitement la brochure oubliée par cette belle jeune fille descendue à TANGER. Il s’agissait de poésie.

« Résigné dans un choix, me sentant trop humain,

je ne sais qu’améliorer l’effroi.

Dussè-je remplir d’hiver l’éloge entre la terre. »

 Hyt KOULADYB  avait mis jusqu’alors ses douleurs sur le compte d’un éventuel surmenage et de sa vieillesse ; mais n’avait-il pas développé lui-même une politique de bien-être fondée sur un bien-manger, un bien-penser, un bien-dormir ? C’était pour lui sa grande victoire, d’avoir su plier les exigences des industriels à leur propre désir de vivre dans un espace vaste, calme, dînant de légumes sains et non-traités en devisant avec les plus grands maîtres spirituels de ces temps modernes. Pour cette classe dirigeante, c’était parfait ; s’enrichir de la sueur graisseuse des machines sans jamais sentir des aisselles. Pour Hyt KOULADYB, le bien-être des industriels était un marché parmi d’autres.

« Faire un peu tout,

et nous n’en sommes pas en croix.

Pourquoi le bien de Dieu, les prairies irisées avalant le volcan,

plutôt que tout? »

Il avait fait feu de tout bois. A la fin des années cinquante, propre sur lui comme il était, mais avec cet engouement réservé aux jeunes espoirs du monde moderne, sa position de jeune architecte lui avait permis de recueillir les avis conflictuels des idéalistes de toutes tendances et des véritables puissants de ce monde. Il avait su tirer une synthèse des courants probables que suivraient les opinions dans un proche avenir maintenant accompli. Changer le monde, tous étaient d’accord. On pouvait briser les carcans idéologiques de certaines valeurs sans perturber la circulation des richesses. Tout dépendrait de qui assumerait les choix, les orientations, les coups du hasard objectif. Hyt KOULADYB  portait le chapeau depuis quarante et quelques années. Et nul ne s’avancerait à traiter de « salaud de Judas » celui qui avait inspiré tant d’émancipations, qui avait ouvert la consommation du capital aux masses salariales les plus basses, qui avait convaincu tant de dirigeants de l’utilité pratique d’une culture pour tous, surtout pour les jeunes, même pour les enfants ; celui qui écrivait dans sa jeunesse qu’il saurait « construire un Paradis à quiconque lui payerait cette chance » («La vérité devant soi» 1960), celui qui avait modifié l’architecture et le trafic de tant de grandes villes célèbres et nouvelles qu’un pour cent de la population mondiale habitait sur une des ces Avenues ou Boulevards ou Voies KOULADYB, avait été dans un des Lycées ou Collèges ou Ecoles ou Crèches (28% en Europe) Hyt KOULADYB... Il faisait l’unanimité des progressistes de tous horizons. Telle et telle autre nouvelle et brillante innovation portait sa patte, son influence.

« Mon sort rien qu’en haine crée, certes,

le sable d’été dénonçant d’avantage les hommes finissant

les nuits en ciel. »

Curieusement, il eut mal au cœur à lire dans l’avion. Il ne parvenait pas à se concentrer sur cette prose insensée, et ses pensées continuaient de dériver entre nostalgie céphalée et inquiétude impatiente. Quand un généraliste de la Fondation DANSTLINGER  lui avait laissé entendre qu’il pourrait s’agir d’une tumeur, il avait pris rendez-vous par orditel avec le plus haut responsable en poste de l’Université Clinique de HOUBLON , sachant quelles géniales vocations avait déjà inspirées son édifice. Et surtout, lors d’un cocktail chez CBI , on lui avait dit le plus grand bien d’un certain Professeur MOREAU .

Plutôt que ses nationalités Australo-amérikkkano-anglo-allémano-franco-nederlando-sud afrikaine et son titre de citoyen d’honneur de l’Union des Pays Sud-Amérikkkains, Hyt KOULADYB  chérissait l’idée d’une prompte guérison. Les perfectionnements du Monde Libre lui devaient bien cela. Au dehors de la carlingue du Transnational, compagnie dont il détenait 12% des parts boursières, le climat se couvrait d’un épais tapis grisonnant, brumeux et humide. Les yeux de l’architecte plongèrent à nouveau dans les pages brochées.

« Je suppose que les cols m’éparpillent la concession

- existence, croire en cela.

Tous les autres me prescrivent d’incarner

l’OCéAN,

ce qui est exister.

Que l’arc puisse avoir encore à faire, résigné,

la limite,

ou dans la tête ne pas avoir. »

Quand il lut le mot tête, la douleur se fit plus lancinante ; KOULADYB maudit son intérêt feint pour cette brochure oubliée. La jeune fille avait été belle, avec de très grands yeux, et il ne lui avait pas adressé la parole. A quoi bon? Bonjour, je suis Monsieur Hyt KOULADYB , vous avez entendu parler de moi? Les emballages plastiques de vos Compact-Discs, c’est moi, tout comme le droit de ne plus porter la blouse à l’école, la collection « Spiritu Sancti » chez DINGHARDT PRESS EMPIRE, les produits macrobiotiques de plusieurs côtes européennes et nord-amérikkkaines, et la « FONDATION DANSTLINGER - entreprendre pour la Santé ». J’ai même inspiré un roman policier à un jeune écrivain idéaliste anglais en 1965... Mais je parle, je parle, et je réalise que je ne sais rien de vous... Non, il ne savait rien d’elle qui était descendue à TANGER et avait oublié une brochure de poésies sur son siège. Curieux recueil, qui évoquait l’océan quand il le survolait, et qui évoquait la tête au plus agaçant de sa douleur.

« En ces moments, ne pas avoir...

Je crois qu’être tout amour,

et celui de ma vie triomphant, d’amour

je crois. »

Auraient-ils parlé d’amour ensemble? Ma vie amoureuse est simple, vous savez. Peu d’aventures mais beaucoup d’exaltations intellectuelles! Quand on atteint mon âge, vous savez... Et quel est le vôtre? Oh, il n’y a que dans ces lieux de passage que l’on peut discuter ainsi. Ou dans les vieux temples d’Indonésie, vous connaissez? Non, elle n’aurait pas connu, l’aurait regardé de travers en le prenant pour un espion musul’ en cavale, et ils n’auraient pas parlé d’amour. Tout au plus de poésie, c’est ma tisane intellectuelle, voyez-vous? Elle aurait ri et l’aurait traité de vieux cochon en citant Sade ou Poe. Et lui aurait répliqué par une superbe pointe des poésies de jeunesse d’Hegel ou un sonnet de TOWSON, et elle en serait restée là, songeuse...

« Il me semble:

le ventre c’est toujours noircir leur vie propre à Dieu ;

la chaîne trop pessimiste ne peut que volonté,

y voir la parabole l’illustrant:

la Mort. »

Le mot redouté le fit frissonner d’horreur. Comment peut-on se complaire à lire pareilles images? Il repoussa la brochure sur le siège voisin, et tenta de lutter plus efficacement contre les relances de douleur, en se résignant au repos.

Il lui sembla avoir posé son blinder sur ses yeux à l’instant même où on lui tapota doucement l’épaule. Il souleva la bande de tissu noir pour découvrir l’hôtesse l’informant obligeamment de son arrivée à l’aéroport de HOUBLON . La disparition de sa migraine sembla avoir été aussi soudaine que son impression de s’être endormi puis avoir été réveillé aussitôt. Hyt KOULADYB  rassembla ses affaires d’un air satisfait, et conserva sa bonne humeur, depuis la zone de transit de l’aéroport, puis dans le taxi, enfin jusqu’au comptoir de l’accueil de l’Université Clinique trente minutes plus tard, où devait l’attendre le Professeur MOREAU , responsable clinique des affections cérébrales. « Je suis Monsieur KOULADYB, annonça-t-il à la secrétaire. J’ai rendez-vous avec le Professeur André MO... » - mais il fut aussitôt interrompu par l’air désappointé de la jeune femme en blouse ; « Ah, Monsieur KOULADYB, nous cherchions à vous joindre mais vous n’aviez pas laissé votre plan de vol au service V.I.P. de JOHANNESBURG. Nous sommes absolument désolés, Monsieur KOULADYB, mais le Professeur MOREAU a eu une attaque avant-hier. Son état est stabilisé mais il reste prostré. Désireriez-vous voir le Docteur PAÏEN , du service de neurochirurgie ? Votre emploi du temps est le nôtre, Monsieur KOULADYB. »

Hyt frissonna sur le double sens de ces mots, qu‘il n’avait jamais réalisé alors même qu’il formait personnellement les formateurs de la future équipe d’accueil de l’Université Clinique 18 ans plus tôt. Sa migraine revint et s’associa à la voix de la secrétaire dite d’accueil. Chacune de ses paroles le martela à la tempe droite. « Non, non merci, bégaya-t-il ; je descends à l’Hôtel PIXON pour quelques jours. Tenez-moi au courant de l’état de santé du Professeur MOREAU . »

Il se sauva bien vite, en maudissant le coup du sort qui lui avait soufflé cette chance de guérison. Un grand vide se fit en lui comme il empruntait les allées du Parc de sortie de la Clinique. Au devant courrait une rumeur. Vous aviez raison! Le voilà! KOULADYB réalisa trop tard les petits bruits impatients d’une poignée de personnes, des journalistes qui l’avaient retrouvé. «Monsieur KOULADYB, (FLASH), est-il vrai que vous ayez été mandaté par la République Sud-Afrikaine pour étouffer la grève des mineurs de GERMINSTON? (FLASH). Monsieur KOULADYB ? (FLASH), Paul TRITTI de la ALL STARS, est-il vrai que vous souffriez d’encéphalites aiguës? Saviez-vous que (FLASH) près de 80 % des travailleurs de GERMINSTON risquent leur capital santé rien qu’à cause de l’amiante ? (FLASH) Quel effet vous fait ce retour en cette Clinique ?» (FLASH).

KOULADYB sut qu’avec pareille migraine (FLASH), il ne serait ni tendre ni complaisant dans ses (FLASH) déclarations à la presse, mais que cette fois-ci, (FLA$H) cela ne lui profiterait pas.

Il était vieux et fatigué.

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2.Visitations / Paco
 

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Episode 08 : 3.Invocations / Fla$h 02 / Hyt KOULADYB

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